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Pourquoi les fautes de Trae Young NE posent PAS problème ?

Depuis début Janvier, il est devenu récurrent d’entendre des personnes se plaindre de Trae Young et de ses fautes. On sait pertinemment que personne ne regarde les matchs des Hawks en dehors de leurs fans, mais il semblerait que la plupart des fans n’actualisent même pas leurs opinions et ne prennent même pas le temps de regarder les box-scores.

Heureusement pour eux, cet article est là pour leur éviter de le faire.

Retour sur la polémique

31 Janvier 2020. Certains sortent le homard, d’autres sortent une déclaration choc. « That’s not Basketball », Steve Nash se plaint publiquement du style de jeu d’un joueur qu’il voit comme sa réincarnation basketballistique. Trae Young, lui, se prend une remarque de la part de son idole, modèle jusque dans la création de fautes. « I learned a lot about drawing foul from him » répondra le jeune meneur.

Crédit : Kathy Willens / AP Photo

La raison de cet imbroglio ? La recherche de fautes de Trae et ses 62 lancers sur les 4 premiers matchs de la saison. 15.5 lancers par match, il faut reconnaître qu’il fait fort. Et puis la nature de ces fautes pose aussi problème. En effet, Trae fait en sorte de provoquer des contacts malins en se figeant pour que son défenseur lui rentre dedans. Ces contacts sont certes provoqués mais ils restent licites, on reviendra dessus, et c’est surtout leur volume qui est réellement problématique.

Ce qui a résulté de ce tourbillon médiatique a été bien réel : sur les 2 semaines qui ont suivi, Trae n’a eu aucun coup de sifflet. Bon, pas vraiment « aucun », on se comprend, mais ses petits contacts de filou de marchaient plus et on voyait même des fautes légitimes ne pas être sifflées parce que les 3 arbitres avaient tous avalé leur sifflet. 5.6 lancers par match sur ces 15 jours et une baisse d’adresse globale : le contrecoup de cette sortie médiatique a été très sérieux. Trae semblait dégoûté et avait visiblement perdu en confiance, puis le temps a passé et le fils spirituel de Steve Nash et Stephen Curry a retrouvé son basket et son adresse.

De l’eau a coulé sous les ponts pour Trae et la critique de Steve Nash ne doit plus peser sur lui à présent. Mais si les choses changent d’elles-mêmes, ce n’est pas forcément le cas des préjugés des fans de NBA.

Même si cela est resté bien ancré dans l’opinion populaire depuis début Janvier, Trae abuse moins de ces fautes. Depuis le 1er Février, il obtient 7.9 lancers par match. Attention ! C’est élevé, mais ce n’est pas plus que la plupart des autres stars. On compte par exemple Embiid, Giannis, Zion, Butler, Beal, Harden, Lillard, Doncic, Fox ou Durant à au moins 7 lancers par match.

Crédit : The Atlanta Journal-Constitution

La nature de ces fautes

Si les fautes de Trae posent problème, c’est bien dans leur nature, enfin c’est ce que pensent la plupart des gens. En effet, il y a plusieurs manière d’obtenir des fautes, la plus simple étant d’agresser le cercle. C’est ce que font nombre de joueurs, et notamment Embiid qui obtient 11.8 lancers par match mais le concernant on ne peut pas réduire cela à une simple agression de cercle. Le pivot des 76ers est avant tout un joueur dominant qui écrase son vis-à-vis grâce à un alliage de physique et de technique tout simplement injuste.

Si Trae obtient des lancers, lui, c’est grâce à son vice, mais cela n’est possible que grâce à une domination technique poussant l’adversaire à commettre une erreur. Il y a deux situations qui lui permet d’obtenir des lancers considérés comme abusifs : quand il se fige après avoir passé un écran et quand il se fige en drive. Ces deux situations partent de la menace que Trae Young représente sur Pick and Roll. Analysons donc ses forces dans un exercice où il est un des tous meilleurs de la Ligue.

La menace des PnR

Trae est une menace à 3 points et toute la Ligue le sait. Si Curry se démarque souvent sans ballon, TY préfère les pullups. Que ce soit après un cross ou un écran, les défenses sont prévenues et font tout pour l’empêcher de prendre des tirs ouverts. Ce qui en résulte est une forte pression sur l’homme de laquelle Trae essaye constamment de se défaire.

Lorsqu’il est au large, un simple écran peut poser problème. Si on décide de le contourner, on laisse le meneur des Hawks ouvert et il peut shooter sans être contesté et connaissant sa distance de confort au tir mieux vaut éviter. S’il y a un switch, Trae peut l’accepter et enrhumer le big qui se retrouve sur lui ou servir son poseur d’écran sur une mismatch. Si une prise à deux est tentée, il peut se retrouver en mauvaise posture mais aussi trouver un coéquipier qui pourra faire en sorte de punir le déséquilibre qu’induit cette manœuvre.

Enfin, il y a une dernière option et elle est d’ailleurs privilégiée la plupart du temps : le suivre derrière l’écran. C’est dans cette situation que Trae peut essayer de provoquer des lancers vicieux. Ce choix à l’avantage de permettre de contester les pullups de Trae à 3 pts tout en évitant de switcher. Définissons deux cas de figure.

1) Quand le défenseur serre Trae sur le passage de l’écran

Afin de pouvoir contester le potentiel tir de Trae à venir et ne pas trop se retrouver dans son dos en cas de drive, le défenseur peut le suivre derrière l’écran en restant vraiment au contact. Afin de punir cette décision, Trae a tendance à se figer après l’écran pour prendre le contact en tentant un tir et obtenir 3 lancers.

Dans cette situation, il est rarement bien payé et a tendance à ne pas aller au bout de son action, faisant une passe au lieu de tirer au dernier moment. En soi, ce n’est pas trop problématique et nombreux sont les joueurs qui tentent d’obtenir de tels lancers. On peut penser à Curry ou Kyrie mais contrairement à eux, le volume de Trae le dessert vraiment et il n’obtient que peu de coups de sifflet de cette manière tant les arbitres sont frileux le concernant.

Comment serrer Trae Young au passage de l’écran sans faire de faute ?

Cette manœuvre est risquée mais en soi Trae est rarement récompensé par les fautes qu’il peut essayer de provoquer quand le défenseur fait ce choix. Si on ne devait citer qu’un joueur ayant réussi à le coller parfaitement en passant sous l’écran, il faudrait évoquer Lugentz Dort. Que ce soit contre Trae ou n’importe qui d’autre, sa mobilité et son QI défensif lui permet de passer entre l’écran et le porteur de balle sans faire faute. On est bien évidemment sur une teigne défensive de niveau élite mais plus ou moins n’importe qui peut limiter les forces de Trae sur PnR de cette manière si on s’y prend bien.

Crédit : Kevin C. Cox / GETTY Images

2) Quand le défenseur suit Trae à distance en passant sous l’écran

On ne parle pas d’un joueur avec une demi-seconde de retard, juste quelqu’un qui le suit sans créer de contact. Cette situation est la plus fréquente mais aussi la plus dangereuse pour la défense. Trae peut donc driver avec son défenseur dans le dos, gérer le rythme de sa course en bloquant son défenseur derrière lui s’il le souhaite, aller au layup, balancer un flotteur au-dessus du bigman qui protège le cercle, servir son rollman, faire le tour de la raquette pour trouver un tir ou un joueur ouvert et donc aussi se figer pour créer le contact et essayer d’effectuer un and one.

Oui, Trae a toutes les possibilités puisqu’il a tout de même une palette offensive très large qui dépasse le simple tir à 3 points et la création pour autrui. Ainsi, cette recherche de faute n’est qu’une corde de plus à son arc et elle ne sert qu’à punir une erreur de son défenseur. L’erreur quelle est-elle ? Et bien il n’y a aucune raison pour qu’un joueur suive Trae dans une course rectiligne. Si ce défenseur suit purement sa course, il n’a aucune utilité puisqu’il ne pourra pas le dépasser, n’ira pas en aide sur le rollman des Hawks et sera réduit à une tentative de contre par derrière que peu de joueurs réussissent et qui consiste de toute façon à éviter de rentrer en contact avec son joueur en le contournant. Un défenseur qui défend aussi mal ne sert qu’à offrir une opportunité de and one à Trae, rien de plus, et il est totalement illégitime de critiquer un joueur sur l’exploitation d’une erreur adverse.

Comment défendre Trae Young lors qu’on se retrouve derrière lui dans un drive ?

Peu de gens le peuvent, mais il faut déjà chercher à ne pas faire faute en prenant une course parallèle. Face aux Knicks le 22 Avril, Derrick Rose s’est fait prendre dans le piège une seule fois et à partir de là il s’est systématiquement adapté, bien conscient que cela ne servait à rien de courir après Trae. Il a pris des courses parallèles et l’a évité à deux reprises avant que le meneur des Hawks ne se blesse.

Crédit : Kevin C. Cox / GETTY Images

Est-ce que ces fautes posent vraiment problème ?

Parlons maintenant du fond. Certaines critiques peuvent être formulées quant à ces fautes, mais sont-elles légitimes ?

Ces fautes sont indéfendables.

Bon, on a déjà vu comment les défendre ou en tout cas éviter de les provoquer. Si la recherche de faute juste derrière l’écran ne porte que rarement ses fruits, celle en drive est quant à elle plus efficace et il semblerait légitime de s’interroger sur celle-ci mais il faut bien comprendre que l’on n’est pas dans une situation équitable. En effet, le défenseur se retrouve déjà dans le dos de Trae et il est déjà virtuellement en dehors de l’action. Si aucune aide ne vient, Trae aurait juste un layup complètement ouvert. D’ailleurs, si un défenseur se retrouve dans la même situation face à LeBron, celui-ci ira juste détruire le cercle d’un dunk féroce et personne ne se plaindra du fait que cela est injuste puisque le défenseur était déjà battu. Rendez-vous donc compte que l’on n’est absolument pas dans une situation de statu quo entre la défense et l’attaque puisque Trae a déjà effacé son vis-à-vis.

Ces fautes peuvent provoquer des blessures.

Bien sûr, dès qu’il y a un contact, il y a un risque de blessure. Mais les contacts font partie du basket et je doute que l’on interdise les contres ou les contestations au panier parce qu’ils peuvent provoquer des blessures. Pour le moment aucun joueur ne s’est blessé à cause de ces recherches de fautes d’autant que Trae ne se jette pas en arrière, il ne fait que se figer. Si un contact s’avère brutal, il le sera surtout pour lui puisqu’il sera en l’air quand son défenseur lui rentrera dedans et cette situation résultera plus d’un manque de concentration ou de réactivité du défenseur que d’un comportement réellement dangereux de Trae Young.

Ces fautes vont à l’encontre du basket.

Le basket est un sport qui se veut dynamique et là-dessus la critique est cohérente néanmoins les lancers font aussi partie de ce sport. Pourquoi critiquer un joueur qui prend des lancers comme Trae parce que « ce n’est pas du basket » mais ne pas le faire pour les équipes qui rentre dans un « foul game » en fin de match ou les joueurs (comme Butler ou LeBron) qui vont toujours chercher le contact en pénétration pour aller sur la ligne ? Ne vous y méprenez pas, à mes yeux tous ces comportements sont positifs et dénotent une bonne compréhension du jeu et un esprit conquérant de la part des acteurs qui les exécutent, mais il est tout de même intéressant de voir qu’il y a une différence de traitement entre des comportements comparables